Le juge : AMI OU ENEMI ? par Jean-Claude Piat
" Pour une fois je ne parlerai pas de chiens mais d'hommes pour alimenter la rubrique " conseils de pro ". Pourtant c'est tout de même par le chien que j'ai appris à connaître les travers et les valeurs de l'homme.
Le juge est déjà une bien grande dénomination quand il s'agit d'apprécier ou non des chiens. Arbitre aurait peut être été plus approprié mais la dénomination était déjà utilisé par le foot et cet élément indispensable n'est pas forcément en odeur de sainteté pour certains supporters. Examinateur pourquoi pas ? Mais ne chipotons pas, ces " créatures " de la cynophilie ont été appelées juges internationalement, il n'est pas question de remettre ce titre en question. Je vais donc parler des juges de travail.
Quand on est concurrent, que l'on soit amateur ou professionnel, il y a ceux que l'on aime et ceux que l'on aime pas. L'entre deux est très rare.
Le matin du concours les juges sont tirés au sort mais c'est une règle que l'on aimerait voir appliquée plus souvent. Les juges de couples sont désignées à l'avance par l'organisation. Quand l'organisation est compétente elle se débrouille seule, dans le cas contraire elle demande l'aide d'un membre de la Commission d'Utilisation, invité pour l'occasion. Les juges de couples sont souvent les même car ils sont choisis parmi les meilleurs c'est comme cela depuis que les fields existent. Pourtant il ne devrait pas y avoir de juges meilleurs que d'autres mais ce n'est pas nous les concurrents qui avons cette optique ce sont ceux qui les désignent pour les installer, à vie, en couple... et toc ! (le toc étant facultatif ).
Vous arrivez le matin et les juges sont inscrits au tableau. Il est possible que le tirage ait été fait la veille pour gagner du temps dans la cohue du matin. Les soupçonneux peuvent déjà être un peu contrariés. Quoi qu'il en soit vous vous cherchez dans le programme et votre journée va être rythmée en fonction du nom de l'incontournable juge qui sera marié pour le meilleur et pour le pire à vos prodiges canins. Sur le papier vous êtes ravi ou déconcerté ? Vous allez vous présenter à votre juge, avec joie s'il est dans votre liste des préférences et par dépit si vous l'avez classé dans la liste de Schindler. Vous allez lui faire bien sentir que vous l'aimez ou que vous ne l'aimez pas ou vous restez imperturbable afin que rien ne transpire de vos sentiments à son égard, lui, de son côté, essaye de faire de même mais il y parvient mieux que vous car il a appris à ce contenir cela fait partie du " métier " et ce sont les prémices de son pouvoir.
Sur le terrain vous voilà face à face et pourtant vous l'aurez toujours dans le dos. Le juge est " dressé " pour observer, apprécier ou pas, et ne doit faire aucun commentaire pendant le parcours. Faites comme s'il n'existait pas ne pensez qu'à bien conduire votre chien. Retournez vous le moins souvent possible simplement pour savoir s'il est bien derrière vous, qu'il peut tout voir, et que vous êtes bien dans l'axe du vent que vous avez choisis ensemble au départ.
C'est le juge qui doit voir les actions car tout ce qu'il voit est comptabilisé, ce que vous voyez seul n'a aucune importance. A la fin du parcours si vous avez le même point de vue que le juge, alors tout sera parfait que vous soyez classé ou éliminé. Les règlements évoluent et le juge vous donne maintenant le qualificatif obtenu par votre chien, ces nouveaux principes vous permettent de savoir où vous situer mais ne vous dit tout de même pas si vous avez gagné. Vous n'êtes plus obligé de vous torturer jusqu'au moment des résultats. Dites vous toujours que le meilleur des parcours peut être battu de cette manière vous ne serez jamais déçus quand vous regardez un parcours du bord de la route ne crier pas à l'injustice si vous voyez des choses différemment que peuvent les voir les acteurs en place sur le terrain. Vous n'avez pas forcément le bon angle de vue ou tout simplement le chien qui risque de vous battre a terminé son parcours et il continue pour l'autre chien de couple. Ne dites jamais " Machin m'a dit qu'il avait vu que... Car " Machin " voit toujours mieux que les autres et il est peut être un créateur d'embrouilles.
Les rapports que vous avez avec le juge en dehors des concours n'existe plus l'espace d'un 1/4 d'heure si votre chien va au bout de son parcours. Il doit juste recadrer la situation si vous sortez des clous. Vous ramener au coude à coude avec votre concurrent en couple par exemple. Vous devez présenter votre chien sans dire un mot et en gesticulant le moins possible. Tous commentaires sur le comportement de votre " vedette " pendant votre prestation est à proscrire et devrait être sanctionné à mon goût. Ce n'est pas vous qui jugez. Le juge, juge, le présentateur présente. Cela paraît simple au départ mais dans ce domaine il semblerait que tout parte vau l'eau. Trop de discours pendant la présentation nuisent à la crédibilité des fields-trials. Les juges seront les seuls à pouvoir rectifier cette dérive. Les plus beaux parcours sont réalisés dans un silence total qui ne devrait être brisé que par le coup de feu qui accrédite un point. Je pense aussi que le téléphone portable devrait être coupé pour un juge qui juge et un présentateur qui présente.
J'ai connu l'époque où le juge était intouchable et les présentateurs n'avaient qu'une seule chose à faire, rentrer le chien au camion et attendre le verdict. Nous sommes passés dans l'excès inverse ou nous avons l'impression que chacun défend son bout de gras sur le terrain, à tort ou à raison, soit par des éclats de voix, soit par une pression constante dans le seul but de déstabiliser le juge. Le juge doit alors avoir la " moelle " de ne pas se laisser prendre au jeu du conducteur et c'est souvent le cas heureusement. La seule force du présentateur ne devrait être que la présentation de chien à la hauteur.
Ne réclamez pas ce n'est pas beau et les juges n'aiment pas cela. Du TB au CAC il y a une marge importante car il peut s'agir d'ouvrir la porte à la classe travail en exposition ou de terminer un championnat. Les enjeux ne sont pas les mêmes pour tous.
Il est toujours possible de demander une explication au juge sur un parcours mais seulement après la fin du concours. Je n'en connais pas beaucoup qui refuseront. Il est envisageable que vous ne soyez pas d'accord sur des points précis mais essayer de rester de bonne foi. Mon chien ne pouvait pas prendre les oiseaux. Il n'y avait plus de vent à cet endroit ! Il n'a pas patronné car il ne voyait pas l'autre chien ! L'interprétation des évènements diffèrent d'un individu à l'autre. La distance et l'endroit d'où partent les oiseaux, qu'il s'agisse d'un point ou d'un départ prématuré de ceux-ci, c'est le juge qui la détermine. Ce sont les juges laxistes qui font que ceux que je qualifierais de normaux passent pour des peaux de vache. Ne vous sentez pas persécuté, les bons chiens finissent toujours par passer même s'il peut arriver qu'ils soient mal jugés à votre goût. Chercher ailleurs la cause de votre échec mais ne faites pas porter systématiquement le chapeau au juge.
J'entends souvent : Allo ! J'avais un beau parcours pour gagner mais le juge....Rarement : le chien a fait une bêtise, le juge était parfait et je mérite la récompense qu'il m'a attribuée.
J'ai le sentiment que les " fraichement " nommés qui sont maintenant sur le marché ne s'en laissent plus conter. Ceux-ci ajoutés aux vieux routiers, j'ai le sentiment que le collège s'enrichit. Les mauvais, car il y en a tout de même, s'éliminent tout seuls où ne sont invités que dans leur club de race ou pour combler un manque.
Il est vrai que les mentalités changent, le présentateur est devenu plus agressif et éprouve souvent l'envie de s'en prendre à l'autorité. Comme sur la route quand nous sommes pris en excès de vitesse c'est toujours immérité. Pourtant les règlements sont fait pour être appliqués qu'ils plaisent ou non. Quand votre chien se tape à une minute trente secondes cela fait mal aux tripes tout comme quand vous êtes verbalisé sur la route à 51 pour 50 Kmh
Le règlement est le garde fou pour les jugements aléatoires mais il demeure toujours cette fameuse interprétation qui peut être favorable ou défavorable en fonction du camp dans lequel on se trouve. Il faut savoir que quoiqu'il arrive le juge est intouchable car ses jugements sont sans appel.
Pour cette passion qui nous anime, que nous soyons juges, amateurs ou professionnels personne n'est coulé dans le même moule. Des juges privilégient le style, d'autres l'efficacité, et d'autre encore la prise de terrain. C'est cette diversité de vue qui donne un certain charme à nos compétitions et qui les rend impossible à formater.
Les juges et les concurrents se doivent un respect mutuel et seulement dans ces conditions les field-trials auront toujours un bel avenir devant eux.
Le juge de travail joue un rôle important dans le respect des règlements, il est le reflet des field-trials.
Alors, ami ou ennemi le juge ?
J'ai envie de dire ami dans la vie pourquoi pas, inconnu pendant un parcours il le faudrait, ami de nouveau après le parcours quoi qu'il arrive, ennemi jamais.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Lettre à mon maître
Ce matin, tu étais déjà debout, tu faisais tes bagages. Tu as pris ma laisse. J'étais content ! Une petite promenade avant
les vacances ! On est parti en voiture. Tu t'es arrêté au bord de la route, la portière s'est ouverte, tu m'as lancé un bâton... J'ai couru, couru, je l'ai
attrapé.....
Mais quand je me suis retourné, tu n'étais plus là.
Pris de panique j'ai couru dans tous les sens pour te retrouver, mais ce fût en vain !
De jour en jour, je m'affaiblissais. Un homme s'est approché de moi, m'a mis en laisse et je me suis retrouvé en cage. C'est là que j'ai attendu ton retour, mais tu n'es jamais venu.
La cage s'est finalement ouverte mais ce n'était pas toi. C'était cet homme qui m'avait ramassé.
Il m'a conduit dans une pièce qui sentait la mort. Là j'ai compris, mon heure était venue...
Cher maître, je veux que tu saches que malgré ce que tu m'as fait, c'est ton image qui me revenait avant mon dernier soupir et si je pouvais revenir sur terre, c'est
vers toi que je courrais, car je t'aimais...
Comment est-ce possible ?
Quand j'étais un chiot, je t'ai amusé avec mes pirouettes et t'ai fait rire. Tu m'as appelé ton enfant, et en dépit de plusieurs chaussures mâchées et quelques oreillers décapités, je suis devenu ton meilleur ami.
Toutes les fois que je faisais quelque chose que tu n'aimais pas, tu agitais ton doigt vers moi et tu disais << comment est-ce possible ? >>, mais après, on s'amusait ensemble.
Mon éducation a pris un peu plus longtemps que prévu, parce que tu étais terriblement occupé, mais nous y avons travaillé ensemble.
Je me souviens de ces nuits où je fouinais dans le lit et écoutais tes confidences et rêves secrets, et je me disais que la vie ne pourrait pas être plus parfaite.
Nous sommes allés pour de longues promenades et courses dans le parc, promenades en voiture, arrêts pour la crème glacée (j'ai seulement eu le cornet parce que << la crème glacée est mauvaise pour les chiens >>, comme tu disais), et je faisais de longues siestes au soleil en attendant que tu rentres à la maison.
Progressivement, tu as commencé à passer plus de temps au travail et à te concentrer sur ta carrière, et plus de temps à chercher un compagnon humain. Je
t'ai attendu patiemment, t'ai consolé après chaque déchirement de coeur et déception, ne t'ai jamais réprimandé au sujet de mauvaises décisions, et me suis ébattu
avec joie lors de tes retours à la maison.
Et puis tu es tombé amoureux.
Elle, qui est maintenant ta femme, n'est pas une fanatique des chiens, mais je l'ai accueillie dans notre maison, essayé de lui montrer de l'affection, et lui ai obéi. J'étais heureux parce que tu étais heureux.
Ensuite les bébés humains sont arrivés et j'ai partagé votre excitation. J'étais fasciné par leur couleur rose, leur odeur, et je voulais les pouponner aussi. Seulement, vous vous êtes inquiétés que je puisse les blesser, et j'ai passé la plupart de mon temps banni dans une autre pièce ou dans la cage.
O, comme je voulais les aimer aussi, mais je suis devenu un << prisonnier de l'amour >>.
Comme ils ont commencé à grandir, je suis devenu leur ami.
Ils se sont accrochés à ma fourrure et se sont levés sur leurs jambes branlantes, ont poussé leurs doigts dans mes yeux, tiré mes oreilles, et mon donné des baisers sur le nez.
Jamais tout deux et leurs caresses aussi, parce que les tiennes étaient maintenant si peut fréquentent Et je les aurais défendus avec ma vie si besoin était.
J'allais dans leurs lits et écoutais leur soucis et rêves secrets, et ensemble nous attendions le son de ta voiture dans l'allée.
Il y eut un temps, quand les autres te demandaient si tu avais un chien, tu leur montrais une photo de moi dans ton portefeuille et tu leur racontais des histoires à mon propos.
Ces dernières années tu répondais juste << oui >> et changeais de sujet.
Je suis passé du statut de << ton chien >> à seulement << un chien >>, et vous vous êtes offensés de chaque dépense pour moi.
Maintenant, vous avez une nouvelle occasion de carrière dans une autre ville, et vous allez déménager dans un appartement qui n'autorise pas d'animaux familiers.
Tu as fait le bon choix pour ta << famille >>, mais il y eut un temps où j'étais ta seule famille.
J'étais excité par la promenade en voiture, jusqu'à ce que nous arrivions au refuge pour animaux.
Ca sentait les chiens et les chats, la peur, le désespoir.
Tu as rempli la paperasserie et as dit : << Je sais que vous trouverez une bonne maison pour elle >>.
Ils ont haussé les épaules et vous ont jeté un regard attristé.
Ils comprennent la réalité qui fait face à un chien entre deux âges, même un chien avec des papiers.
Tu as dû forcer les doigts de ton fils pour les détacher de mon collier et il a crié << Non, papa ! S'il te plaît, ne les
laisse pas prendre mon chien ! >>. Et je me suis inquiété pour lui.
Quelles leçons lui avez-vous apprises à cet instant au sujet de l'amitié et la loyauté, au sujet de l'amour et de la responsabilité, et au sujet du respect pour toute vie ?
Tu m'as donné un << au revoir-caresse >> sur la tête, tu as évité mes yeux, et as refusé de prendre mon collier avec vous.
Après votre départ, les deux gentilles dames ont dit que vous saviez probablement au sujet de votre départ il y a de cela plusieurs mois et que vous n'aviez rien fait pour me trouver une autre bonne maison. Elles ont secoué la tête et ont dit : << Comment est-ce possible ? >>.
Ils sont aussi attentifs à nous ici dans le refuge que leurs programmes chargés le leur permettent.
Ils nous nourrissent, bien sûr, mais j'ai perdu l'appétit il y a plusieurs jours.
Au début, chaque fois que quelqu'un passait près de ma cage, je me dépêchais en espérant que c'était toi, que tu avais changé d'avis, que c'était juste un mauvais rêve...ou j'espérais tout au moins que se soit quelqu'un qui se soucie de moi et qui pourrait me sauver.
Quand je me suis rendu compte que je ne pourrais pas rivaliser avec les autres chiots qui folâtraient pour attirer l'attention, je me suis retiré dans un coin de la cage et ai attendu.
J'ai entendu ses pas quand elle s'approchait de moi en fin de journée, et j'ai trottiné avec elle le long de l'allée jusqu'à une pièce séparée. Une pièce heureusement tranquille.
Elle m'a placé sur une table et a frotté mes oreilles, et m'a dit de ne pas m'inquiéter.
Le << prisonnier de l'amour >> avait survécu à travers les jours.
Comme c'est dans ma nature, je me suis plutôt inquiété pour elle. Le fardeau qu'elle porte pèse lourdement sur elle, et je le sais, de la même manière que je connaissais votre humeur chaque jour.
Elle a placé une chaîne doucement autour de ma patte de devant et une larme a coulé sur sa joue.
J'ai léché sa main de la même façon que je te consolais il y a tant d'années.
Elle a glissé l'aiguille hypodermique habilement dans ma veine.
Quand j'ai senti la piqûre et ai murmuré : << Comment as-tu pu ? >>.
Peut-être parce qu'elle comprenait mon langage, elle a dit << je suis si désolée. >> Elle m'a étreint, et m'a expliqué précipitamment que c'était son travail de s'assurer que j'allais à une meilleure place où je ne serais pas ignorée ou abusée ou abandonnée, où j'aurais à pourvoir moi-même à mes besoins, une place remplie d'amour et de lumière très différent de cet endroit.
Et avec mes dernières forces, j'ai essayé de me transporter jusqu'à elle et lui expliquer avec un coup sourd de ma queue sur la table que mon << Comment as-tu pu ? >> n'était pas dirigé contre elle.
C'était à toi, Mon Maître Bien-aimé, que je pensais.
Je penserai à toi et t'attendrai à jamais.
Puisse tout le monde dans ta vie continuer à te montrer autant de loyauté.